Commentaire d'une citation de Novalis...

homas Bernhard, dans Les mange-pas-cher, a placé en exergue une citation de Novalis, « Nous cherchons l'ébauche du monde – cette ébauche, c'est nous-mêmes ».

Nous-mêmes, que reste-t-il de nous-mêmes ? De moins en moins, contraints que nous sommes de nous aligner sur des dynamiques et des positions collectives. Au travail et durant nos loisirs, dans les stades ou nos appartements, il faut reproduire. En permanence, nous clonons les définitions collectives du moment. Enserrés dans les impératifs sociétaux, nous oublions d'être nous-mêmes, pire, nous ne savons même plus ce que c'est que d'être soi. Il serait compréhensible, voire excusable d'agir ainsi si ces normes sociales étaient produites pour le bien de la collectivité.

Nous voulons le croire, nourrissant en secret l'espoir que la communauté poussée à l'extrême de nos efforts nous rendra la possibilité, la liberté de notre singularité. Ainsi nous avançons avec le regret permanent, l'espoir continue d'accéder à cette ataraxie enfin détachée des normes sublimées. Et nous courrons, croyant progresser, nous épuisant devant ce but qui s'éloigne, comme si la chrysalide pouvait se libérer du temps, de l'usure et des mensonges intérieurs pour laisser venir en pleine lumière ce que nous ignorons depuis le début.