• C2J9 - chronique du 2ème confinement - jour 9

     

    Chronique réelle ou imaginaire, voire les deux, dans l'espace-temps du reconfinement...

     

     

    C2J9 - chronique du 2ème confinement - jour 9 

     Il s'écoule à peu près un litre d'eau minute, à la louche. A la louche, elle ne comprend pas. A la cuillère, si tu préfères, à vue de nez, comment dire. A peu près, you've got it ?..Elle a capté.

    Si on permet à une goutte de se former lentement, sur le modèle des stalagmites, voire des stalagtites...Il se sent professoral, Vicky l'écoute, religieusement pense-t-il, ce qui n'est pas fait pour le calmer. Enfin, une goutte d'eau qui goutte jusqu'à goûter on ze floor, tu goûtes mon humour ? Elle lui lance quelques syllabes, très vite, très courtes. Il entend juste « ...you ». Continue.

    Il faudra. Donc. Une heure, à peu de choses près, à un robinet qui goutte pour remplir un récipient d'un litre.

     

    Explication qui laisse froid le smartphone rouge posé en équilibre sur la rambarde du balcon bordant le studio de dix-sept mètre carrés cinquante-neuf où loge Jules, en attendant de pouvoir franchir la frontière barrée par ce fucking virus et rejoindre Vicky Swarbrick, native anglaise vivant à Brighton. Ne reste que le mobile pour tenir la flamme haute entre eux, et s'il tombe ce sera une éternité de malheur, avec la voix de Vicky en off, une voix qui a quelque chose d'unique, difficile de définir quoi, ça se situe entre son accent anglais, évidemment, et peut-être ses yeux carrément bleu à brûler les coques des navires infidèles. Jules danse un poil sur le balcon qui tremble et le mobile avec. Jules est un adepte des solutions risquées. Il aime ça, le bord, la limite. D'ailleurs, il a trouvé – à moins que ce ne soit Vicky qui l'ait trouvé – une petite amie anglaise. Pour faciliter les rapprochements et autres délicieuses contaminations loin de tout masque.

     

    Vicky a 24 ans, elle est rousse, un véritable incendie crânien. Incendie crânien, formule sucrée-salée. Tu as compris, espèce de perfide Albion, tu es un incendie crânien de haute température...Attends, je regarde. Faugères 2015, tu veux goûter ? Elle rit. Elle rit à tout ce qu'il peut dire, et même tout ce qu'il peut faire. Elle ne manque pas d'initiative, non plus.

    Il a définitivement décidé de compter l'intégralité de ses tâches de rousseur, c'est une merveille de la nature typiquement anglaise. Jules est inscrit en master de physique, mais il se sent meilleur dans les modélisations mathématiques. Il voudrait travailler à l'Aérospatiale. Vicky, anglaise d'origine étatsunienne, veut être prof de français, quelques temps. Ils la voit et il se voit lui, particules dans un synchrotron, tournant et tournant ensemble avant le feu d'artifice de la rencontre. D'une rencontre qui durerait, quelque chose qui serait d'ordre. D'ordre parental. Houla. Pensées futuristes, comètes et plans, vade retro. Vicky vient de parler de manifestations à Londres. Anti-masques. Il prend le train en marche.

     

    Quand on se reverra, ma belle, je n'aurai plus de masque. Et moi plus, aussi, commente Vicky. Tu moi plus aussi, tu sais. Vicky ne comprend pas. Oh, mais laisse tomber, c'est l'ami Faugères qui se moque. Well, well, well...Si, oui, ok, j'en aurai encore un, de masque. Mais en bas, tu vois ce que je veux dire, entre mes cuisses musclées comme un sumotori, tu vois...Vicky rit. Elle a un rire très aigu qui fait des boucles sensuelles insupportables. Jules continue.

     

    Ce sera mon slip spécial Ère des Masques. Tu auras le droit de me l'arracher, mais juste sans les mains, sans les pieds, sans les dents. Juste...Oui...Ben oui, je ne vois pas quel autre choix il y aurait...Oooooh yeah ! J'ai calculé que deux litres d'eau se seront écoulés avant que tu n'aies achevé ce prométhéen travail. Avant que le slip mouillé ne glisse tout seul sur mes cuisses, à moins que quelque chose ne le retienne. Vicky éclate de nouveau, puis lui souffle « Tu es un physique, totalement...cinglé, you know ». Les idées se bousculent dans un joyeux bordel à la périphérie du crâne presque incendié de Jules.

    « Yes. Mais attends, j'en ai d'autres, tu... ». Il n'a pas le temps de réagir quand le portable glisse et disparaît vers le sol bien plus bas.

     

    « Merde, mon portable est tombé ! »...D'environ dix mètres avec une vitesse constante de. Combien, déjà...


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