• Bémols sur l'info France-Culture

     

    Sur l'info à France-Culture; zoom sur un journal de 18h, comme il va soutenant avec délicatesse la vision du monde d'en haut.

     

     

    Bémols sur l'info France-Culture

    Bémols sur l'info France-Culturel y a un tropisme dans les médias dominants qui sont complètement alignés sur le gouvernement »

    Maurice Lemoine - Ancien rédacteur de La chronique d'Amnesty International et ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique

     

     

    Les responsables aiment bien France Culture, malgré ces 2,5% d'audience. On peut lire, dans le Projet stratégique pour Radio France (2018-2023) « cette chaîne dédiée exclusivement à la culture, est une singularité en Europe et une fierté pour la France ». Une vitrine du savoir-faire made in France, exportable à l'international pour la plus grande gloire de S. Veil (manager de Radio-France), pour peu qu'elle devienne «  ouverte, interactive et connectée ». Bankable, qui sait, dans un avenir qu'on espère, dans les hautes sphères, pas si lointain, si le Marché continue à tout annexer, et à supprimer allègrement des postes à France-Culture comme dans le groupe Radio-France, cette entité vieillotte, nourrie à des chimères, et si peu pro-active.

     

     

     

    J'ai mes raisons de l'apprécier, FC. D'abord, c'est une radio sans pub, autant dire un dinosaure. Elle fait ouïr une pléiade d'émissions sur des sujets très divers, des lettres aux recherches universitaires sur des mondes tout à fait disparus ou des sujets improbables. On y décortique les plus consacrés des littérateurs, l'actualité de la physique et de l'astrophysique contemporaine, les racines les plus profondes de la philosophie, les phénomènes mystiques, la musique électronique, etc.

     

     

     

    Mais on y vole souvent au secours de la victoire, on invite les plus reconnus, les plus puissants, on répugne à aborder les sulfureux et les obscurs, bref à creuser là où ça s'agite et ça saigne. Il n'empêche qu'on ne peut soutenir que dans le domaine de l'interview culturel cultivé cette radio n'excelle pas. Et impossible d'oublier le son, le fameux son France-Culture, à mon avis inégalé.

     

     

     

    Note de réalité : cette analyse ne prétend pas donner un état exact de l'info/actu sur FC, mais des tendances que tout auditeur régulier de FC pourra constater comme moi. Préliminaire donnant le ton de l'article : j'ai entendu ces dernières semaines plusieurs journaux, à 18h et plus tôt dans la journée, commencer par ce qui ressemblait, à force, à un leitmotiv « Emmanuel Macron » (a dit, a fait, a décidé..). Un hasard qui devrait plaire au sus-nommé.

     

     

     

     

     

    J'ai écouté et critiqué l'ensemble d'un journal. Mais le décryptage excédait une longueur raisonnable. Je n'ai donc gardé que le passage à mon avis le plus significatif de cette information France Culture.

     

     

     

    10:05mn. Toujours à l'indicatif martial N. Kieffer annonce que le taux de chômage dans la zone euro est au plus bas niveau depuis dix ans. Et « dans l'Europe à 28, c'est mieux encore ». Sonnez trompettes. N. Kieffer n'a pas du voir les tripatouillages de l'INSEE pour pondérer la crue inexorable du chômage, ni les radiations systématisées, les masses de gens qui ne cherchent même plus un emploi, les cohortes qui travaillent quelques heures/semaine et sont sorties des stats du chômage par l'institution.

     

     

     

    En langage France Culture on n'appelle pas « critique » un argument contre les arguments officiels, mais un « bémol ». On cultive ainsi les vocables euphémisés qui placent la voix de la Culture aux côtés de la voie officielle. On énonce également en priorité les éléments d'action et/ou de réflexions du Pouvoir, pour ensuite, parfois, porter quelques rares « bémols ».

     

     

     

    Accompagnant cette posture symbolique de l'info aux côtés du Pouvoir, deux autres éléments importants.

     

    La voix, d'abord. D'une neutralité sur-jouée, comme toutes les voix d'info de FC, elle est en elle-même une euphémisation car elle pose un couvercle sur le sentiment, l'humeur qui est la nature humaine. Ainsi, elle naturalise les actes de l'autorité qui est au centre de ce dispositif récurrent.

     

    Le langage, ensuite, outre les euphémisations. Un exemple parlant, si je puis dire : la présentation des réussites et de quelques « bémols » de l'UE par M. Viennot (11:07mn) censés souligner les points d'achoppement. « divergence entre une Europe du Nord et de l'Est qui, côté chômage, va bien et une Europe du Sud, France, Italie, Espagne, Grèce » – ls petits pays st ignorés – « où le chômage notamment des jeunes, est un problème économique et sociétal majeur, ce qui entretient, parfois, un sentiment anti-européen ». On notera le « parfois » de pure convenance, puisque sondage après sondage le sentiment anti-européen apparaît maintenant généralisé. « Le troisième bémol, enfin, est que (le chiffre de) l'inflation de février » – chiffre officiel discutable ? Ou pas ?... - « est en deçà des attentes de la Banque Centrale, ce qui veut dire que l'économie européenne n'est pas en plein boum, mais en train de ralentir. » Merveilleux euphémisme, s'il en est, pour qualifier notre territoire UE sinistré et déserté par la croissance. Mais M. Viennot et ses petits camarades vivent au pays merveilleux des chiffres officiels et du cercle des Raisons Autorisées par l'UE, où le taux de chômage est de 8,7% car, suis-je bête, « le chômage a baissé dans tous les pays d'Europe sauf Danemark et Autriche où il reste stable ».

     

    Ainsi, M. Viennot, ou N. Kieffer, - leur entrée et sortie de scène radiophonique est fluide et donc, on s'y perd un peu entre les deux, d'autant que leurs tonalités « punchy » (comme on frangliscise), et leurs arguments, relèvent du même tonneau pareillement pondéré – concluent que « ces chiffres plaident pour les dirigeants et parlementaires européens ». Comme ces encouragements-là sont délicatement distribués.

     

     

     

    L'info France-Culture, telle qu'elle apparaît dans ce journal, prend sa source dans les actions, réflexions et chiffres officiels. Le monde minuté qu'elle construit pour demi-heure est une réplique du gouvernement français, de l'UE, ou du monde de tel ou tel puissant invité.

     

    Apparaît, à France-Culture, une certaine incapacité à définir un monde où la radio serait excentrée, où elle sortirait de ses tiroirs ses propres chiffres, ou du moins, des idées et des chiffres alternatifs sérieux.

     

    On ne pourrait, surtout, incarner un monde différent de celui que pensent, que veulent, que programment le(s) Pouvoir(s). France Culture Info, semble voir par les yeux des puissants et c'est bien tout le problème.

     

     

     

    Sans nécessairement aller jusqu'à prendre les risques qu'ont pris Javier Valdez Cárdenas  et Julian Assange, L'information réelle se pose nécessairement en contre-pouvoir. C'est la leçon que donne le journalisme impliqué dans le monde, ce depuis Albert Londres dont le propos était sans ambiguïté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

     

     

     

    A l'écoute de ce journal, qui m'apparaît comme le plus significatif parmi tous ceux que j'ai écoutés, on peut se demander si le service d'info France Culture est toujours à même de faire une différence tranchée entre radio d’État et radio de service public.

     

     

     

    C'est d'autant plus dommage que cette même radio, avec toutes les radios du service public radiophonique, a connu la plus grande grève de l'histoire des radios en France. Et qu'il semblait qu'au-delà des revendications catégorielles, les salariés exprimaient des attentes insatisfaites sur l'identité, donc la singulière indépendance du groupe Radio-France, affirmant en 2015, donc, que les « auditeurs méritent une information sérieuse, rigoureuse et vérifiée, aujourd’hui plus que jamais ».

     

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