• Avec les loups ?

     

    Arnaud Beltrame, colonel de gendarmerie s'est proposé pour remplacer la dernière otage retenue par un membre proclamé de l'OEI, à Trèbes, et il est mort. A partir de cet acte d'un homme courageux, les médias organisent la sanctification et de la victime et de la Police, avec une mécanique de meute et d'oraison obsessionnelle. Stéphane Poussier, membre de la France Insoumise, ose quelques tweets insolents sur A. Beltrame et le voilà, dans les heures qui suivent, convoqué par la Police, bientôt inculpé d'"apologie du terrorisme" et virtuellement renié par la formation politique qui le soutenait, la France Insoumise.

     

    Que penser de ce nouvel unanimisme, de cette désignation forcée des objets d'adoration ou de détestation pour l'opinion publique, alors que la France est censée combattre le fanatisme religieux ? Que signifie cette mise en lambeaux de la vie, la réputation d'un homme, et de sa ruine orchestrée par une accusation de soutien au terrorisme pour un écrit, si malsonnant soit-il ?...

     

     

    Avec les loups ?

     

    Avec les loups ?n plein conflit social, un épisode nouveau de la lutte exportée dans les pays européens par l'OEI et ceux qui l'ont créée se produit. Prise d'otages. Un policier propose de remplacer les otages. Les assaillants acceptent. L'homme est blessé dans l'affrontement suivant et finalement meurt. Il passe instantanément au stade héroïque, désigné par tout ce que la France compte de micros, de stylos, de politiques et d'officiels de police.

     

    Tout le monde n'entonne pas le grand air de la sanctification, cependant. Un représentant de La France Insoumise commente à sa façon l'affaire. L'homme fait dans l'humour déjanté et se dit satisfait de la mort du flic, en rajoutant sur le fait qu'il est colonel.

     

     

    Avec les loups ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La vague est montante, voilà ce que n'a pas perçu le sardonique Stéphane Poussier. Aussitôt ou presque, les réactions indignées giclent. Jusqu'à la France Insoumise elle-même, par la voix d'un de ses barons. Les médias de masse reprennent le tweet et clouent S. Poussier, sur l'air maintenant bien connu : critiquer la mort d'un flic est intolérable, insupportable, que dis-je : inadmissible. Les indignations croisées se mesurent l'une l'autre et se défient, à qui dramatisera, à qui pleurera le plus fort. Tout le monde doit participer au chœur. Apothéose de ce moment grisant comme un flash-mob, le Président lui-même salue « «le courage, le sang-froid et l'abnégation exceptionnels » d'Arnaud Beltrame.

     

     

     

    D'ailleurs pour que ce soit bien clair et bien œcuménique, quelques twittos, à moins que ce ne soit une agence de com ou un syndicat policier, envoie un hashtag bien clair : #TousGendarmes. Le V8 mediatico-politico-policier continue à faire monter la sauce, s'appuyant un pilonnage en boucle centré sur l'image de A. Beltrame, la victime, comme les caméras obsessionnellement braquées sur les Twin Towers, un 11 septembre 2001 si je m'en souviens bien.

     

    La France Insoumise n'est pas en reste. Aussitôt ou presque, par la voix d'un de ses officiels, crie au loup aussi fort que les loups et se désolidarise du damné. Mélenchon lui-même referme le couvercle du cercueil.

     

     

    Avec les loups ?

     

     

     

     

     

     

     

    Il n'a pas fallu même une journée de week-end pour que S. Poussier soit condamné par toute la classe politique, les syndicats de police, les cohortes bien alignées de la presse et un paquet d'anonymes sur les réseaux. Il n'a pas fallu une journée pour qu'il soit interpellé, mis en garde à vue, pour se voir accusé d'apologie du terrorisme. Avec l'intime satisfaction de voir ses camarades qualifier son geste d' « abject et honteux ».

     

     

     

    De quoi parle-t-on, là ? De quelques tweets.

     

    Cet homme à l'humour macabre, sinon choquant, a écrit quelques mots pour signifier qu'il ne regrette pas la mort d'Arnaud Beltrame. Pas besoin d'être critique littéraire pour voir que le trait est hénaurme, que on est dans l'outrance visant à choquer. Que le premier qui n'a jamais entendu d’humoriste, d'ami, de voisin, ou la presse même, faire de l'humour de manière limite lève le doigt. La provocation, la transgression des limites sont intimement liées à l'humour. Qui ne comprend pas ça ne comprend rien à l'humour et à la culture de notre pays. Je confirme que, de toute façon, qu'on aime ou pas l'humour, la Liberté est la première des valeurs de notre République, pas l'Ordre, et encore moins l'Unanimisme.

     

    C'était la Boétie, je crois qui a défini la Démocratie d'une définitive manière en rappelant que « sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». Où est la liberté, ou est la démocratie quand on somme la population d'entonner un air unique en chantant le plus fort possible, sous peine de sanctions absolument considérables et d'une dégradation morale qu'on ne souhaiterait pas au pire de nos ennemis ?

     

     

     

    Il apparaît aussi - ce que n'ont pas dû voir tous les exécuteurs de S. Poussier -, qu'il a motivé sa cinglante ironie par une référence claire à un homme tué, lui aussi, mais par la Police, cette fois. Et n'est-il pas vrai que Rémi Fraisse a été tué par un policier, sans aucune chance de voir la grenade qui lui arrivait dessus, sans aucune chance face à la mort qui le frappait dans le dos ? Et n'est-il pas vrai qu'on n'a jamais entendu le flic qui a balancé la grenade regretter, ni aucun de ses supérieurs, sauf dans les formes administratives les plus glaciales et les plus méprisantes pour la famille de ce jeune tué dans la fleur de l'âge parce qu'il défendait ses idées ? Et n'est-il pas vrai que les médias – à quelques exceptions - ont tout fait pour minimiser, dénigrer, rabaisser la valeur, comme la mort de Rémi Fraisse ?

     

     

     

    Il apparaît ensuite que pour homme qui a montré son courage, Arnaud Beltrame, doit être confondu avec son corps professionnel. Principe du syllogisme. A. Beltrame s'est sacrifié, toute la police devient héroïque. Même ceux qui dans l'ombre des commissariats, enfoncent une matraque dans des fondements basanés ? Même ceux qui harcèlent et humilient les représentants faméliques des classes populaires, dans ces lieux à peine vivables qu'on appelle « quartiers » ? Même ceux qui, tout au long de l'Histoire ont cogné aux ordres des politiques, et sur les militants de Gauche plus souvent qu'à leur tour ?

     

     

     

    Il apparaît enfin que dans ce pays gouverné aujourd'hui par des adorateurs de l'Ordre, la France Insoumise ne peut, ne doit défendre que les fatwas mitonnées par cette petite cohorte de fascistes honteux qui nous gouverne. Que la France Insoumise ne doit regarder que le doigt qui la sermonne indirectement. Qu'elle doit même en rajouter pour s'incliner et hurler « apologie du terrorisme » avec la meute.

     

     

     

    Mais de quoi parlons-nous ? D'un nid de néo-conservateurs français qui elle-même favorise le terrorisme en menant les guerres éco-impérialistes voulues, programmées, précipitées par les USA, pour de sordides intérêts financiers. De quoi parlons-nous, hein ? D'un mouvement qui se veut porteur de valeurs, de résistance et de mémoire, qui tout d'un coup, oublieux de cette mémoire des coups reçus dans les manifs, dans les usines occupées, dans les mines, dans la Commune, se mettrait à adorer la Police, à partir la fleur au fusil ?

     

    De quoi parlons-nous, enfin ? D'une France Insoumise qui, si elle cède à ses chœurs fascistes qui ne déploient pas une indignation réelle pour la d'A. Beltrane, mais une ode répétée ad nauseam à l’État policier qu'ils sont en train de bâtir sur le terrain et dans les consciences, sera une France Insoumise qui aura ployé le genoux devant le cœur du problème.

     

    Une France Insoumise à qui, bientôt, on demandera d'autres allégeances.

     

     

     


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