• Un moment à moi

    Revisitation d'un souvenir, et commentaires...

     

     

      

    Un moment à moiUn moment à moie devait être un jour de juillet 89 je l'ai dit, je crois, dans un précédent billet. Les souvenirs ont ceci de différent des pendules, qu'ils n'ont pas d'aiguille inerte, ni d'heure identique à proclamer.

     

    Il devait faire gris, nuages bas et gouttes menaçantes au ras de la fenêtre. Je venais de poser les premiers mots d'une longue nouvelle. Pas la première, mais à ce moment j'ai senti que ça devenait sérieux. Question d'envie, sans doute. Et l'envie était grande de couvrir cette page, ou plutôt de m'en aller vers quelque chose qui serait mon univers à moi, dans ce monde où rien ne nous appartient. Je payais aussi mon écot à la littérature. Elle m'avait tant donné, elle m'avait tant éloigné, protégé des blessures infligées de bonne heure. Un frère, une sœur n'auraient pas fait mieux, je crois.

    De toute façon un enfant s'adonne à la lecture en compagnie de la solitude, évidemment.

    Elle agrandit la cour de la maison, et crisse le gravier, bruissent les feuilles des arums dans le jardin tout près. Un grondement sourd accompagne mes jeux de balles ; est-ce mon cœur qui me répète tu es vivant, si vivant, où l'autorisation muette de la terre, du gravier et des plantes autour de moi, je ne le saurai pas. Mais l'attention inquiète, cachée derrière les petits rideaux à carreaux rouges et blancs, je ne pourrai l'oublier. Quand elle m'appelle pour le goûter, mon esprit a quand même pris ses marques sur ce terrain d'enfance sans fin. Les jeunes êtres n'ont pas de mesure pour leurs peurs et jamais assez d'énergie pour leurs appétits fugaces et changeants.

    Je me souviens encore et autrement. Je reprends ma vie en pensée, la retourne un peu même si le squelette est fixé. Je peux douter, je peux cacher, je peux fuir et revenir, aimer et prendre du sable dans mes mains pour qu'il s'écoule à jamais.

    Il faudrait dire à ceux qui jouent avec leurs frères humains comme des pions en échiquier qu'ils mourront eux aussi, qu'ils n'en sauront pas plus et qu'au jour où ils se débattront dans la lueur sombre du couchant, il n'y aura que des présences lointaines, voire personne.

     


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