Retour sur une journée, une marche, une séparation, une place et la vie démocratique qui monte

 

 

 

ans les rues, le soleil a donné son feu vert. La manif a démarré vers 11h. Beaucoup de monde, malgré l’enchaînement de manifs et autres. Ils font du bruit, s'interpellent, se chahutent et avancent, en marche pour écraser l'insensé projet Elkhomry.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les bataillons de salariés CGT sont venus en nombre, mais on voit aussi les FO, les SUD et autres syndiqués. Ou pas, comme un bon nombre de jeunes et moins jeunes regroupés sous la bannière Nuit Debout. Le cortège suit le parcours délimité, approuvé et confirmé par les autorités. Il passe d'un pont à l'autre et l'avant-poste a déjà franchi un des ponts que la l'arrière-garde n'a pas encore démarré. D'après quelques habitués du pavé, CGT et Sud, on serait autour de 30000 personnes à marcher sur le projet Travail - mal-nommé puisqu'il va détruire en masse des emplois si par malheur les représentants du peuple n'entendent pas la voix de la raison portée haut par ce même peuple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au sortir du pont Jeanne d'Arc, arrêt. Incertitude, flottement dans les rangs. Une partie voudrait continuer le chemin balisé, d'autres manifestants préféreraient continuer tout droit, remonter la rue Jeanne d'Arc, marcher sur l’Hôtel de Ville. Après quelques discussions chaudes, une harangue d'une des porte-parole des Nuit Debout, la décision est prise par les milliers de pieds présents. Les légitimistes suivent le parcours fléché, les autres remontent direct sur la mairie par la rue Jeanne d'Arc. Je décide de prendre le chemin des écoliers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La scission des manifestants n'est pas binaire, simpliste comme un J.T ou une brève de presse, pressée de classer dans l'Ordre et de ne pas déplaire aux pouvoirs locaux et/ou nationaux. Nombre de CGT, FO et Sud sont dans les pas des Nuit Debout. Ils ne sont pas dans une logique d'affrontement, de rupture avec la direction CGT qui « tient » la manif, mais veulent soutenir les Nuit Debout, la jeunesse, leur jeunesse, leurs enfants pour qui ils sont au moins aussi inquiets que pour leur propre sort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ca discute tranquillement, ça échange, ça se mélange. Déterminés, tranquilles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme les manifestants débordent des parcours traditionnels, les appels, les exigences débordent manifestement la loi appelée « travail » par antiphrase d'un chargé de communication du Medef, ou du PS. Mais cette parole de rue, ces monuments de la colère, expriment le lien profond que tisse le quotidien de ce peuple entre une loi et ce qui est en jeu : enrayer la machine à broyer qu'on appelle à tort « travail ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nulle part n'est entendue, nulle part n'est même considérée cette jeunesse qui sait qu'elle sortira à la chaîne de diplômes dévalués, pour tomber dans la chaîne d'un « travail » abrutissant, quand il n'est pas mortel pour ceux qui ploient sous les cadences démentielles du management de la terreur, ou finissent par se suicider. Et pourtant, elle sait, elle comme ceux qui ont partie liée avec son enthousiasme, son imprévisibilité, sa légitimité exaspérante pour le bunker politique actuel, elle sait bien que tout ça, tout cet écrasement n'est que l'étape actuelle d'un processus commencé il y a deux siècles et qui accélère vers une auto-destruction planétaire dont une poignée de profiteurs aveugles ne veulent pas voir la fin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le cortège dissident a finalement rejoint la Préfecture, par difficulté me semble-t-il a progresser dans la rue Jeanne d'Arc, semble-t-il.

 

On tourne, on traîne, on goûte la rumeur des groupes réunis sur un même véritable et noble travail, restaurer, appliquer, faire triompher la Citoyenneté dans ce pays. Les représentants syndicaux s'expriment, très longuement pour la CGT. Aucune nouvelle, comme d'habitude, des autorités préfectorales. Ce mépris, cette ignorance condescendante, on la supporte depuis si longtemps. Mais, qui pensent-ils être ces gens, pour ne pas venir en personne, descendre dans nos rues et d'égal venir parler, se justifier ou reconnaître leurs fautes ? Il faudra que cela aussi change pour que la Démocratie remplace enfin cette représentation à bout, complètement vidée de l'essentiel et dont le maintien menace notre devenir sociétal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fin de la manifestation. Ceux qui le veulent repartent vers l'hôtel de ville pour la suite Nuit Debout, une journée où continue ce patient labeur de citoyenneté qui se fait dans l'imprévisible rencontre, échange, tant pour les résultats que pour le temps que ça prendra. Et tant pis pour les pions médiatiques qui attendent un organigramme délivré avec célérité par une jeunesse au garde-à-vous.
C'est en substance ce qu'on m'ont dit ces simples gens parlant tranquillement sur la place centrale de Rouen, ce qui traversait chaleureusement, le fil de leurs commissions, de leurs ateliers dans cette journée Debout.

 

« Cette place est à nous », une des porte-parole de ND me l'a déclaré avec une tranquille assurance. Elle, ils n'ont pas l'air de vouloir partir, tous ces gens. D'ailleurs, chaque jour, ils sont de retour régulièrement, comme les oiseaux migrateurs, longtemps partis loin de leur cité, loin d'eux-mêmes. ils rebâtissent leur espace, déploient leurs doutes et leurs espoirs en riant.

 

Ici, y a de la vie.