• Rhomboïde

     

    Un peu écrasé par l'autorité du vocabulaire de la techno-science. L'idée est de poser quelques-uns de ces monuments textuels comme barrière et guide à la fois, pour voir vers quel chemin le vocabulaire de la géométrie ou de la physique conduit, comment s'exprime la tension entre humanité et représentations théoriques.

    La série devrait comporter 24 occurrences, ou plus, le voyage étant le chemin. 

     

     

     

     

    Rhomboïdei l'été rhomboïde se décidait à m'offrir une flaque de fraîcheur...Pensée nostalgique qui vient quand même les goélands en maraude sur les quais contemplent les poubelles d'un œil morne. On est en été, sur tout le territoire de ma tête.

     

    L'auteur se demande quel cagnard l'a frappé. L'été rhomboïde. Fantasme inutilisable. Chien braque avec trois pattes sauvées, la quatrième demeurant sous les roues d'une C3 énervée.

     

    Sur le siège conducteur, j'apprivoise le papier bible de mon vénérable Robert. Rhomboïde vient de rhombe. Instrument rudimentaire de musique, presque aussi vieux que les Hommes.

     

    L'été n'a rien de braque, mais parfois, quand défilent toutes ces formes de chairs lotionnées, quand les cris des gamins plantés comme des cactus déconfits sur la plage matinale à peine remise du bull qui passe tôt pour ramasser les reliquats de la marée estivante de la veille, alors on se dit, putain, mais c'est quoi ce défilé sur plage apprêtée ?

     

    On fait tourner le rhombe autour d'une ficelle. On est devant une caverne petite, sombre. De la fumée paresse sur le bord et, lassée de ce trou noir, s'échappe. On entre. Tribu rencognée autour du feu. Le chaman debout, ses bras suivant les mouvements fluides des flammes. Il recule derrière le cercle des membres, qui se retournent vers lui quand il commence à faire tourner le rhombe au bout d'un lien de peau tressée.
    Le rhombe est presque carré, sauf que le carré est encore une rumeur dans la tête d'un enfant à naître. La femelle enceinte caresse son ventre, le chaman danse pour elle. Elle le sait, comme elle sait qu'il y a un temps pour aimer et un temps pour écarter les cuisses et se délivrer dans la douleur.

     

    Le rhombe tourne et tourne, et traverse les lueurs du feu comme l'astéroïde d'un soleil. Tout à son plaisir musical, le rhombe mord l'air qui gémit, qui hurle. Waooohhh, Whoooouuuoooommmmm, et encore whiiiiimmmmm. Presque une moto, mais les motos préfèrent les étés rhomboïdes de l'Anthropocène tardif, quand elles peuvent faire des rhombes autour des cafés, avec tous ces chevaux d'acier entre leurs cuisses. La caverne enfumée accepte encore une dose de bruit. Et tourne une dernière fois la moto, se cale enfin au bord du sable indifférent que la mer lèche grain par grain. Le motard s'extirpe de l'engin, vient rouler sa caisse, tous rhomboïdes dorsaux déployés. Combi au sol, en maillot, il sature le petit espace de musculation attenant à la plage. Travaille un moment ses abdos à la barre; sa sueur à des reflets violets sous le punch solaire. L'été rhomboïde tire ses losanges gonflés de braise dans tous les coins. Géométrie claquée, huilée. Vendeurs traînant sur le sable leurs glacières surchargées.

     

    La géométrie devient excessive en espace surchauffé. Suspension des molécules, neurotransmetteurs en régression limbique. Le motard convainc la barre à ses lignes de forces sous le regard gradué des femelles. Géométries performatives. Le chaman lance et balance le rhombe, l'air éclate dans la lumière poisseuse de la caverne. Il sort et déploie l'instrument qui trace ses paraboles dans l'espace, piège l'univers dans sa roue magnétique. Tournent et tournent, et tournoient dans l'orbite terrestre des orbes déjà célestes, pour la mère de l'univers alternatif, à genoux aux pieds du chaman. Neurotransmetteurs de temporalités téléologiques en mode maximum. Et tourne le rhombe au fond des têtes traversant les mers géologiques, à jamais pointées sur le Nord intérieur des chaînes sacrées entre les êtres du Temps.

     

    Ils se fondent alors, et s'assemblent, se calment et s'assemblent, se transforment en colonies de figures immenses. Cathédrales d'acier habituées de naissance au vide, pour attendre l'être qui sera le punctum signant le moment de l'Humanité, la fin de l'adolescence. D'autres viennent se poser sur certains endroits de la jeune Terre pour luire dans l'ombre du jour à venir, et font vibrer le vent qui vient, le vent qui sait soulever les chamans, l'avant-garde de la prescience.

     



     


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