• Moi, ce que j'en dis...

     

    Troisième livraison sur l'idée de Moi, inspirée par la formule de Novalis parlant de l'Homme comme ébauche. Mais "L''objet [...] qui nous hante, à commencer par moi qui l'exhibe dans ce texte, ne fait rien pour arranger les choses".

     

     

     

    'interroger sur l'existence du moi désigne toute l'incertitude qui nous anime. Mon moi, on l'ausculte, on le dissèque, on le catégorise, on le cible, on le sermonne, on le moque, bref on cherche à le minorer, si ce n'est à l'éliminer. De plus en plus nombreux les adeptes de philosophies religieuses ou de religions philosophiques qui pratiquent un refus du moi par une activité de déconnexion régulière. Le moi est envahissant, haïssable, il nous tourmente et nous détourne de notre voie.

    Avec une légère contradiction, quand même, dans ce flot critique. Vouloir faire la chasse au moi, nous le décidons en toute candeur, et en même temps, avec l'irruption du miroir médiatique, nous cherchons de plus en plus frénétiquement cette singularité qui nous distinguerait du commun, c'est-à-dire des autres.

     

    L'objet d'une quête qui nous hante, à commencer par moi qui l'exhibe dans ce texte, ne fait rien pour arranger les choses. Le moi qui s'exprime, s'épanche, se pose principalement dans le langage, se trahit, se voit trahi par ce même langage. Trente mille mots à double sens, avait répertorié Saussure, des lapsus en veux-tu, en voilà, des jeux de mots à n'en plus finir. Des spécialistes qui prennent le bâton pour battre le moi maître et possesseur de sa nature. Lacan, par exemple, qui explorait les caves et les greniers de notre moi, continuant le travail de sape de Freud, nous balança « l'inconscient est structuré comme un langage ». Autant dire que le langage est structuré comme un inconscient, pour respecter cette fonction buissonnière de détournement, de retournement qui fait sens, qu'il interrogea.

    Le langage, par conséquent le moi, prend l'eau de partout. Paradis apparent, immense liberté qui débouche sans prévenir sur le brouillard, l'Enfer de l'être jeté, promené, parlé au grès de pulsions qu'il ne maîtrise pas, qu'il ignore, stricto sensu.

    Dans la cave se passent des choses qui parasitent l'étage supérieur. Et rien n'autorise, finalement, à respecter la topique de Freud, telle qu'on nous l'enseignait en terminale. En haut le sur-moi, au milieu le moi, et tout en bas, le ça. Cette verticalité n'est pas existante, n'est pas opérante.

     

    Découverte politique contemporaine, la verticalité tue le corps politique, le corps social avec. A l'échelon cellulaire même constatation, le moi n'est pas l’homogène et flamboyant centre directeur d'un sujet parfaitement maîtrisé. En dehors de lui opère le ça.

    L'imbrication des deux, de plus en plus évidente, pousse à penser que sur-moi/moi/ça forment les trois parties du vrai Moi. Trinité, comme par hasard. Ingérable Trinité, avec un moi en double comptabilité, un moi avec des ops de contrebande.

     

    L'idée d'ébauche repose sur un avenir prévisible et une maîtrise de la part du Créateur. Quel avenir pour un moi essentiellement partagé, six mois en costard, six mois en tongs ? Quelle maîtrise du Créateur qui largue les amarres vers lui-même, saborde lui-même ses plans pour en bâtir d'autres dont il ne sait, ni ne prévoit, ni ne déchiffre la logique infectée ?

     

    Le choix est clair. Renoncer à ce Moi fardé pour les miroirs, levant son sceptre vers les étoiles, ou continuer dans le déni, glisser la poussière sous le tapis.

    Dans le macro, dans le sociétal, s'écroulent les inflexibles commandants d'armées mexicaines, les dogmes à triques, et les futurs fabriqués en fausse monnaie statistique.

     

     

    Cette macro, c'est possiblement le résultat de la lente sape menée par toute l'armée des uns qui ne sont plus UN. Des  MOI laissant surgir leur moi. Des milliers de fourmis qui déchirent l'image d'elles-mêmes qu'elles s'autorisaient, qu'on leur conseillait. Qui ne votent plus, ne participent plus, font défection au Sujet du sujet, et corrélativement à une citoyenneté de pacotille.

     

    L'ébauche s'achève en ébauche et c'est pas triste. Une micro révolte générale est en cours. Les hommes parlent aux hommes dans une langue qui évite les mots trop gros pour leurs bouches et qui n'a pas peur d'être cryptée avant de remonter les étages.

    Le ça-moi-surmoi n'a pas de projet, il fait ce qu'il a à faire en chuchotant, « écoutez-moi ».

     

     

     

     

     

     


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