• Les "riens", sans rien ?

     

    Un plan prévu de longue date, des solutions usées, une aide misérable, voilà ce qui est tombé sur la tête des pauvres. De Sirius, peut-on sortir des idées nouvelles, une autre vision du monde des hommes, qui leur remettrait les clés de leur(s) destin(s) ?...

     

     

     

    e Plan Pauvreté présenté par Emmanuel Macron prétend traiter le sujet « pauvreté ». Lequel sujet ne recouvre pas les pauvres, sujets bien singuliers, que voudrait objectiver, cibler, régler le plan en question. Pourtant, chacun peut sentir la différence entre la carte et le territoire.

     

    Conséquence de cette différence, une dimension n'est peu ou pas abordée par le Président, la dimension psychologique des choses, des acteurs et des actés, des des impératifs et de leur réception.

     

    A ce niveau, se pose la question « Qu'est-ce que c'est d'être pauvre ? » ou peut-être « Qu'est-ce que c'est d'être un(e) pauvre ? ». Carte et territoire, encore. Question concernant plus ou moins 20% de la population.

     

     

     

    Qui désigne et qui est ciblé ? Cet angle confronte les pauvres et les institutions. Car avant l'aide, aujourd'hui, il y a la confrontation. Sur le terrain, là où la rigueur conceptuelle trébuche sur les marches de la vie.

     

    Les institutions ne voient pas les pauvres, elles les reçoivent. Elles ne les écoutent pas, elles les entendent. Ce qui n'échappe pas aux pauvres.

    Comme l'a déjà souligné un rapport de l'APEX pour l'’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, (2015). Exemple. « Selon certains élus, il faudrait faire marche arrière sur la dématérialisation qui a gagné un certain nombre d’administrations, surtout en matière de protection sociale. Avec certains services, le contact par plateforme téléphonique automatique (en particulier surtaxée) peut être vu comme une forme de mépris ».

     

     

     

    Elles les identifient, elles ne les accueillent pas.

    On ne fait pas place à leurs problèmes, on les place dans une problématique, sans guide. « Je vous laisse vous rendre au bureau 23B, l’ascenseur est à droite, 3ème étage ». Et c'est pareil à la Sécu, chez l'assistante sociale, au CCAS, à la Maison des Droits, à la Mairie...Dans tous ces organismes où les pauvres vont chercher leur bon droit et quelques aides concrètes, on leur intime de faire d'abord leur devoir. Ou leurs devoirs, tant il y a quelque chose d'infantilisant, de scolaire au mauvais sens, dans ces propos, parcours, indications obligées qu'on leur inflige.

     

     

     

    Elles les réceptionnent, elles ne les invitent pas.

    Déjà parce que les institutions sociales sont chroniquement en insuffisance de moyens. Parce qu'ils ne sont que les items perpétuellement renouvelés, numérotés, positionnés, listés, hiérarchisés. Dans une société où la somme d'argent dont vous êtes détenteur sert de viatique, de vertu et de respectabilité, ils n'ont aucune chance d'accéder à la reconnaissance.

     

     

     

    Elles ne les considèrent pas, elles les commandent.

    Toute tentative d'argumentation se verra opposer le silence de l'indifférence. Toute tentative d'opposition se verra brisée par différente formes de l'autorité. Distance hostile, soutiens d'autres personnels, appel à la sécurité. N'être rien, n'être qu'un(e) « sans dent » est l'état nécessaire des pauvres pour ceux qui s'occupent de la pauvreté. La masse doit être indifférenciée et immobile. Ce qui ne veut pas dire que le travailleur social de base, et l'élu local national, le directeur d'organisme, ont les mêmes responsabilités et les mêmes implications dans ce travail de chosification, ou les mêmes valeurs...

     

     

     

    Elles ne les soutiennent pas, elles les accablent.

    Sous les questionnaires, sous les documents à fournir, sous les preuves qu'ils existent dans leur singularité. Logique corrélative des valeurs sous-tendues dans la stratégie managériale des personnes « en charge » selon l'expression à Hollande et autres décideurs. Les pauvres sont une charge, une sous-humanité économique. Il faut donc exiger d'eux des preuves, en permanence des preuves. Des preuves qu'ils sont réels et persistent à vivre.

     

     

     

    Le Plan Pauvreté – du moins le résumé des mesures qu'a consenti à nous lâcher la Présidence – porte partout les traces de cette réification permanente. D'abord, dans l'indigence des sommes mises en jeu, - au mieux le coût de 4 sous-marins atomiques, classe Terrible. Ensuite, dans le caractère hypothétique d'une grande partie des mesures. 21 mesures qui verront le jour, peut-être, que dans 2,3,4 ans, au mieux. Enfin, dans le flou artistique, l'insincérité, le fourre-tout organisé entre les préoccupations alimentaires et expérimentation fumeuse. Liste presque poétique, donc, de formules déjà usées, pour un plan quand même crucial, tant l'armée des pauvres recrute.

     

     

     

    Elles ne réfléchissent pas, elles communiquent.

    Car finalement pourquoi mettre « un pognon de dingue » pour un frein à la croissance, sur un effectif qui ne verra jamais la sortie vu qu'il n'existe pas réellement ?

    Qu'on en juge : « renforcement des droits et devoirs et obligation contractualisée avec les départements » , « Essaimage d’expérimentations évaluée s », « suivi assuré par Pôle emploi », « obligation de formation » , « alimentation équilibrée pour tous », « moyens éducatifs renforcés »...

     

     

     

    Effectivement, tout cela ne représente réellement rien. Rien qui changera les choses, qui remettra l'essentiel en place, la règle générale qui permet de considérer les situations singulière. Cette règle s'appelle valeur. Et la valeur en question est la plus rare du monde dans les sphères de direction, management, supervision, maîtrise. Elle porte le beau nom d’Égalité.

     

    Cette valeur, et d'autres, qui devraient précéder toutes réflexions et actions des responsables, ne se sont imposées comme les piliers d'une société qu'à la suite d'une lente prise de conscience des opprimés, puis de l'intense bataille révolutionnaire contre l'ordre monarchique. Elles signifient que tous les hommes ont même valeur, même essence, même conscience, et que donc ce n'est à d'autres de leur dicter, et encore moins de leur imposer une définition et une espèce de réserve où il pourrait exister. C'est à eux de prendre en charge leur propre destin. Les aider n'est donc pas leur parachuter des aides discontinues et ridicules, mais leur donner les moyens et la gestion de leur propre destin, aux « pauvres », comme à n'importe qui. Co-créer, les coopératives, les groupements et les structures où chacun pourra dira ce qu'il est, ce qu'il veut, comment sortir de cette aspiration vers le fond et bâtir ce dont il a besoin. Un homme, une femme pauvres, est un homme, une femme avant d'être pauvre. Il faut une grande bêtise et un appât du gain forcené pour les croire incapables de délimiter là où ça pêche et définir les solutions dont ils ont besoin pour s'en sortir.

     

     

     


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