• Les Go-fast

    Les Go-fast

     

    Les Go-fastmpunité 

     

     

     

     

    Antonymes :

     

    • asservissement

     

    • assujettissement

    • esclavage

    • servitude

    • subordination

     

    Étymol. et Hist. 1352-1356 (Bersuire, T. Live, B.N. 20312 ter, fol. 27 vods Gdf. Compl.). Empr. au lat.impunitas, -atis « manque de punition, impunité ».

     

    Lat. impunitatem, de in négatif, et punitus, puni.

     

     

     

    Sorti(e) de nulle part, ils prennent l'argent et la lumière. Un mois, six mois, un an, ils sont ministres, patrons de telle ou telle multinationale, puis s'en repartent affaire faite. Ils sont intelligent, assez pour voir l'entrave que les scrupules pourraient infliger à leur carrière. Ils rendent des services. Dans le champ * impunitaire on les connait, on s'en sert jusqu'au moment où ils auront leur opportunité à force de services rendus. Jusqu'au moment où ils cesseront de grapiller quelques milliers d'euros, quelques emplois familiaux, pour saisir le vrai truc, le pouvoir et la visibilité. Public et privés, même go-fast.
    L'impunité, c'est d'abord une affaire de morale individuelle, avant d'être une question de structures, de limites institutionnelles. Ainsi tel candidat qui se maintient à la présidentielle avec l'assurance que lui donne son auto-légitimation, alors qu'il représente le plus gigantesque des conflits d'intérêt, ou tel autre qui fait de même pour un poste central à l'Assemblée Nationale, avec l'arrogance de celui qui est certain de son bon droit. De même d'innombrables petits managers locaux, sévissant en mairie, conseils départementaux et régionaux, dont la figure tâchée émerge régulièrement dans les sites d'information de qualité ou dans le Canard Enchaîné. La marée des affaires, des passe-droits, des services rendus au détriment de l'intérêt sociétal et citoyen montre que tout se passe comme si l'impunité était devenue la règle.

     

     

     

    Ils sont assurés d'eux-mêmes et de leurs valeurs parfaitement labiles, les impunitaires. Valeurs transcriptibles en une ancienne maxime : l'occasion fait le larron. Cette posture-là n'a pas d'ennemis ni d'amis. Quand une mission, une responsabilité, une affaire, une opportunité quelconque se présentent, ces gens-là l'envisagent avec la volonté première d'en tirer profit pour eux-mêmes, toujours. Après, l'intérêt général en retirera peut-être quelques miettes, s'ils sont en poste de représentation.

     

     

     

    Cet énorme biais pour la cohésion, l'intérêt sociétal le plus général, la cohésion fondamentale d'une société, tient à la nature de leur travail. Le salarié est sur une route à sens unique avec une seule voie. Tout est sous contrôle, pour lui. Au ministère de l'Emploi, on lui chipote la moindre prime, les plus petits frais professionnels. Patrons et politiques sont unanimes quand il s'agit de lui refuser de pourtant dérisoires augmentations, particulièrement s'il est déjà les deux pieds dans la boue smicarde.

     

     

     

    Les impunitaires, les indemnisés, les au forfait, à la mission, à la prime, à la commission, en gros les professions « libérales » évoluent dans des activités où ils rencontrent différentes voies possibles, et des incitations à aller vers telle ou telle direction peu fléchée de préférence, vers des contacts discrets qui eux-mêmes ouvriront d'autres portes. Se proposeront différents à côtés, différentes façons de faire le job pour le client en percevant un bonus personnel, ou pour l'entourage. Car tout cela fait partie du « libéral ». Activité, état d'esprit répugnant à être surveillé, réglementé, légiféré.
    A l'opposé du travail, de l'activité sociale rémunérée, ces pratiques se veulent analogue à la chasse, au boursicotage, à la capture permanente. Ses disciples sautent sur la moindre action à la hausse comme à la baisse, avant le concurrent et raflent les jetons sur la table. On les voit sauter d'un sentier à l'autre, d'un mentor, d'un financeur, d'un maître en politique, religion ou même sciences, à l'autre sans aucun état d’âme.
    Le « travail » - on ne connaît pas vraiment. Le « terrain », la partie pratique, salissante, monotone et épuisante est affaire de peones, à qui on lancera quelques euros au final. Il faut bien qu'ils survivent au travail ou à la retraite. Ne serait-ce que pour qu'ils se taisent et restent tranquilles dans leurs clapiers crasseux, loin.

     

     

     

    On cultive des relations, on fait le go-between, on donne son appui moyennant quelques privilèges, on autorise, avec renvoi d’ascenseur obligé, dans la sphère des « impunitaires ». Il y a de la traque, de la cruauté et du jeu, là-dedans. On est aux antipodes de la répétition salariée, usante et durable, sans perspectives ni améliorations. On rencontre des gens qui vous proposent des choses, des projets, des investissements. Ainsi on obtient de « formidables opportunités » qui donnent l'occasion à « l'impunitaire » sur le coup de toucher un bonus pour lui et/ou sa famille, lequel bonus pourra être un divertissement, une somme d'argent, un emploi, une recommandation, tout est bon dans le cochon.
    L'argent, les salaires impliqués dans le coup, ne sortent pas en général de la poche du patron qui a fait un crédit à la banque pour « créer une nouvelle dynamique d'emploi », « libérer les énergies », « assurer un développement durable de la sidérurgie, l'agriculture, la pêche...rayer les mentions inutiles.
    Quant à l'élu il mise avec notre argent, assuré que c'est lui qui fait les emprunts et les comptes, et qu'il sera parti quand la dette locale, régionale, nationale sera dévoilée et insolvable (Dexia). Ou qu'on ne pourra, voudra l'incriminer, car il ne faisait que prendre des décisions politiques et que les politiques n'ont quasiment aucun coupe-circuit au-dessus de la tête. Ou ils se retrouvent jugés par des pairs, des notables qu'ils fréquentent par ailleurs. Eux-mêmes, d'ailleurs, amateurs d'opportunités. On se souvient des juges ramenés d'urgence en hélicoptère pour sauver la peau de tel politique, ou des promotions instantanées reçues par tel autre pour avoir jugé en son âme et conscience.

    L'impunité, un système de valeurs, comme de fonctionnement, qui fait la fortune d'un groupe social si assuré de lui-même et surtout si enrichi qu'il ne voit pas où elle conduit.
    Fonctionnant sur  l'occasion saisie, elle fabrique des individus plastiques, loin de toute cause comme de tout engagement. Elle fragilise définitivement les sociétés qui ne peuvent plus compter sur ceux qui devraient défendre des engagements durables basés sur des valeurs pérennes, qu'ils ne défendent plus, puisqu'ils n'ont plus de valeurs. L'impunité est une facilité corrélée au pouvoir. L'aisance qu'elle procure, l'assurance qu'elle donne est un prétexte tout trouvé pour que ceux qui en bénéficie se constituent en bloc qui ne voudra céder le pouvoir, donc l'impunité, sous aucun prétexte.
    L'impunité est également l'assurance que ceux qui ne sont pas dans ce champ, cette culture, cette caste, les salariés, ne verront jamais leurs exigences satisfaites. Pour qu'il y ait impunité il faut une masse d'actifs disponibles et peu rémunérés, créant la richesse dans laquelle les impunitaires viendront se tailler des costumes de faiseur, des places enviables et des fortunes considérables. Sans parler de la notoriété que leur assureront les  impunitaires du domaine des médias.

     

     

     

    *Champ (Pierre Bourdieu) : toute partie de l’espace social ayant acquis un degré d’autonomie suffisant pour reproduire elle-même (autos) la croyance dans le bien-fondé de son principe fondateur.

     


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