• L'INSEE, entre pondération méthodologique et absolution idéologique

     

    Retour sur les statistiques fournies dernièrement par l'INSEE sous le titre « Les revenus et le patrimoine des ménages – édition 2014 », ou le récit apaisé d'une insupportable réalité.

     

    L'INSEE, entre pondération méthologique et absolution idéologique

     

    L'INSEE, entre pondération méthologique et absolution idéologiquees quelques observations sont à retrouver sur le lien suivant : http://www.mediapart.fr/files/Patrimoine.pdf

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    Données générales

    Moyenne pour toute la population française du revenu disponible médian par ménage (median => celui qui partage tous les revenus en deux parties ; 50% des personnes ont un revenu supérieur et 50% un revenu inférieur) :

    2005 : 28300€
    2011 : 29010
    En 6 ans => + 116€/an

    Rev dispo median 1er décile (2005) : 13020€/an
    Rev dispo median 1er décile (2011) : 13070€/an
    En 6 ans => + 50€
    Rev dispo median 9ème décile (2005) 59470€/an
    Rev dispo median 9ème décile (2011) 62980€/an
    En 6 ans + 3510€

    En 2005, il y avait 7 766 000 pauvres. En 2011, 8 729 000...=> +12,5%

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    Pauvres par Catégorie Socioprofessionnelle 2011

    Les agriculteurs remportent la palme du meilleur taux de pauvreté avec 21,4%. Tx de pauvreté : nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté pour une population donnée. Seuil de pauvreté : niveau de revenus au-dessous duquel un ménage est considéré comme pauvre.
    Donc, 21,4% des agriculteurs sont en dessous du seuil de pauvreté. Champions. Erreur, ils sont battus par les chômeurs, 28%. Le taux de pauvreté des cadres, professions intellectuelles supérieures se situe à 5%...
    15,2% des ouvriers, c'est le taux de pauvreté de cette population, ce qui en dit long sur les salaires imposés à cette population. Les employés sont guère mieux lotis : 12,3%.

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    Pauvreté par age

    18,1% des personnes pauvres, dans les 10% déjà les plus pauvres, sont des 18-24 ans, en 2011.
    Contre seulement 6,8% dans le groupe le plus riche de l'éventail étudié à ce stade – qui ne comprend pas les plus fortunés (D10).
    Dans les 10% les plus pauvres, on trouve 8% de 65 ans ou plus ; 35,7% (de ces 8%) sont au minimum vieillesse – 573000 personnes en bénéficiaient en 2011. Montant : 787,27 €/mois (2013). Dans les 10% aux revenus immédiatement supérieurs (Décile 2), on trouve 15%% de 65 ans ou plus au minimum vieillesse. Dans les 10% aux revenus immédiatement supérieurs (Décile 3), on trouve 20,6% de 65 ans ou plus au minimum vieillesse.
    Aucun vieux ou presque au minimum vieillesse dans les autres déciles...

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    Pauvreté des immigrés

    Une stat suffit. Le « taux de pauvreté immigrés 2011 (stat limite « ethnique ») est de 38,6%, plus de 27 points supérieur à celui de la population des ménages non immigrés. » . Les revenus, à catégorie socio-professionnelle équivalente, sont inférieurs de 25% en moyenne pour les immigrés.
    Définition INSEE : « Immigrés : personnes nées à l’étranger et de nationalité étrangère à la naissance (certaines ont pu acquérir la nationalité française par la suite). »

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    Pauvreté globale

    Pour les 10% de la pop les plus pauvres (Décile1) 2011 : revenu annuel moyen 12180€
    Pour les 10% de la pop les plus riches  (Décile 9) 2011: revenu annuel moyen 93590€, presque 8 fois plus élevé que celui des plus pauvres.
    Ce qui donne un « niveau de vie » par Unité de Consommation, ou personne de 8000€ pour les 10% les plus pauvres et de 58700€ par UC pour les plus riches.

     Ne sont pas inclus dans l'analyse qui a produit ces chiffres, pourtant frappants, ceux qui font exploser les cadres, pulvérisent les écarts déjà plus que conséquents entre français. Je parle de la fraction supérieure, de la crème du dernier Décile, ceux qui ont un patrimoine qui part de quelques millions d'euros à l'infini.

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    Empreinte idéologique du rapport


    On ne peut que noter une pondération permanente des écarts aussi bruts que brutaux qui s'enfoncent comme des coins dans la communauté française.
    Pondération dans les tableaux, par multiplication des « angles » et des données partielles, qui brouillent les chiffres fondamentaux à repérer et retenir sur les revenus des français.
    Pondération dans les commentaires. Ceux-ci sont frappés au coin du suivisme gouvernemental, néo-libéral donc, le plus appliqué. Ainsi, pour les chercheurs et analystes gouvernementaux, « Depuis 1970, le niveau de vie en euros constants des personnes a régulièrement augmenté jusqu’à la crise récente. » Mais un peu plus loin, « les difficultés économiques...du début des années 1980 accentuent nettement le ralentissement du niveau de vie ». Un peu plus loin encore « La reprise de la fin des années 1990 permet de renouer avec une augmentation soutenue des niveaux de vie...La reprise bénéficie aux plus hauts revenus ». Toujours plus loin, et plus près de nous « Au début des années 2000...fléchissement de la croissance du niveau de vie ». Dans notre passé proche, la tendance persiste « la crise de 2008-2009 induit un nouveau ralentissement », « En 2011, le niveau de vie médian se stabilise et le niveau de vie moyen progresse légèrement (+0,3%) », c'est-à-dire stagne.
    Résumons. En 70,le niveau de vie progresse réellement pour les plus faibles, notamment, dans la foulée des Trente Glorieuses. 1974, choc pétrolier, la chute. 1980, 1990, baisse ; fin 1990 hausse pour les plus hauts revenus ; 2000, baisse ; 2006-2011 baisse ; 2001 stagnation. On peine à trouver le niveau de vie qui aurait régulièrement augmenté depuis les années 70, sauf peut-être dans les fantasmes du directeur de l'INSEE et des ses ministres et présidents successifs.

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    Riches

    Les riches, les vraiment riches  planant au sommet du Décile 10 ont droit à un traitement à part. Ils ne sont pas intégrés dans la présentation des revenus de l'ensemble de la population, avec toute la population. Double faute méthodologique et idéologique. On fausse terriblement les écarts de revenus entre les plus pauvres et cette stratosphérique poignée de gavés. On parvient à exposer des différences croissantes et déjà maximales sans tomber dans l'insupportable, la terrible réalité qu'endure 99% de nos concitoyens.
    Nos amis d'ailleurs, sans aucun souci d'argent, ont vu leurs revenus augmenter sans cesse. L'INSEE ne peut qu'écrire : « une partie de l’accroissement des inégalités provient du dynamisme des très hauts revenus qui poursuivent leur redressement en 2011."
    Ceci sur fond d'inégalité énorme et permanente entre les plus bas revenus et les plus riches.
    Revenu annuel 2011 du D1 (les plus pauvres) : 13026€/an
    Revenu annuel 2011 du groupe supérieur dans le D10 (les plus riches) 3 018 000€/an (en cumulant revenus d'activité, de patrimoine et exceptionnel), soit 232 fois le revenu moyen des plus pauvres.
    A noter que les revenus de cette poignée d'hyper-riches reçoit 53% de son argent en valeurs mobilières – actions, obligations, dividendes. Elle a donc plus qu'intérêt à la montée de la spéculation boursière et à l'étranglement des revenus du travail par l'actionnaire.

    « La pauvreté est un concept difficile à appréhender. », déclare les dirigeants du rapport. Effectivement, surtout pour ceux qui travaillent à maintenir loin de la pauvreté cette poignée de personnes qui ne la vivent pas, ni de près ni de loin, et se donnent tous moyens pour que cela ne leur arrive jamais.

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    cercabru.wordpress
    Jeudi 17 Juillet 2014 à 11:34

    Il s'agit d'abord d'enfermer l'autre dans sa propre conceptualisation. Ensuite le tour est joué. Vous pouvez battre et rebattre les cartes, puisque la règle ne vous appartient pas (et qu'elle peut être changée par celui avec lequel vous jouez), vous perdrez nécessairement. Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux".

    Ce qui est extraordinaire est que les "cadres" de l'INSEE, finalement formés surtout aux mathématiques, sont eux mêmes enfermés dans la dogmatique libérale qui a si bien convenu aux économètres (Debreux & C°), au reste pris dans  la complaisance de l'algèbre linéaire selon laquelle les "arrangements" sociaux se font sans rapports de force.

     

    PS. Laisser libre les formats email et site web et mettre plus de marge pour le pseudo.

    2
    Jeudi 17 Juillet 2014 à 12:18

    Peu optimiste commentaire, mais plutôt lucide. Inexorablement ma critique sera intégrée dans le déroulement du Spectacle, semble-t-il...Même si la puissance du Spectacle ne peut échapper à personne, je crois que l'acteur social a encore sont mot à dire, ses actes pour gripper, voire bloquer la machine, s'il s'agrège à quelques milliers d'autres...

    Tout à fait d'accord avec les remarques sur les cadres INSEE. Spontanément, le scientifique reste aveugle au rapport de forces, à l'hégémonie culturelle, et peut-être, un petit peu, par intérêt bien compris.

    Je n'ai pas compris les précisions techniques : " Laisser libre les formats email et site web et mettre plus de marge pour le pseudo". Vous pouvez me préciser ?...

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    3
    cercabru.wordpress
    Vendredi 18 Juillet 2014 à 19:14

    On ne peut pas utiliser ces champs si l'on ne respecte pas strictement le format. Par exemple si l'on se réfère à un blog plutôt qu'à un site défini par un nom de domaine.

    Pour mon commentaire, au fond, je dis que la conceptualisation prime et impose son langage. Le "scientifique" sait pourtant que la science ne progresse que par une remise en cause de la conceptualisation.

    Je ne crois pas que l'acteur social puisse agréger sa vision à d'autres, de manière qu'elle porte. Encore moins aujourd'hui où cette agrégation est pilotée par les médias. La force de la bourgeoisie est de récupérer tout et d'en faire éventuellement un spectacle par le truchement des médias, dont la puissance est bien plus considérable que la seule croyance religieuse.

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