• Guerres sans mémoire

     

     

    La Guerre des boxs, un moment de télé qui propose un monde plus simple,  avec des objets infiniment substituables, transformables et vendables...

     

     

    Guerres sans mémoire

     

    Guerres sans mémoirearfois je m'arrête, entre deux zaps, sur ce pur produit de l'imagination marchande qu'est Storage Wars. Des pauvres ont entassé dans des boxs leurs pauvres possessions, parfois agrémentées d'un objet un peu plus original, raffiné, dont on devine combien il a coûté de s'en séparer.

     

    Des charognards les rachètent, sans doute forfaitairement, et les vendent à la criée. De nouveaux charognards se présentent pour acquérir ces restes fatigués. Un coup de peinture, un peu de mécanique, un présentoir et voilà les vieilles hardes reparties pour être de nouveau fourguées à des cohortes de pauvres qui n'auront jamais le salaire ni même l'ambition du neuf.

     

     

    Une télé aussi marchande, aussi consumériste que possible, met en scène des marchands qui ont pour ambition de remettre en scène des objets abandonnés, vidés de tout contenu émotionnel, livré à un futur qui ne leur appartient plus, par des consommateurs compulsifs ou des propriétaires soudain ruinés pour cause de subprimes.

     

     

     

    A partir d'objets cassés, obsolètes, vieillots, on relance la machine. Sur un tas de ruine, l'opération marchande – achat, relookage, plus-value – recommence.

     

    Elle recommence dans un univers aux lois minimales. Le commissaire-priseur fixe un prix de débat et surveille l'ouverture comme le bref aperçu des boxs. Moyennant, sans doute, une commission, chacun peut enchérir comme il veut. Allianced, coups bas, intox, rien ne manque dans ces guéguerres sur des dépouilles à ranimer pour une autre existence précaire.

     

     

     

    C'est un monde fini, empli de mémoires cassées et rejetées. Un monde sans loi, peuplé de choses à moitié brisées? que le nouveau propriétaire peut transformer à son gré, vendre à son prix. Un monde simplifié de gagnants et de perdants. Un monde de référence minimales – la rumeur, les « spécialistes » du prix d'un objet. Un monde obsessionnel où s'achète et se vend les objets, les partenaires et les adversaires. Tout est gouverné par le gain sur ce qui a été abandonné, perdu, rejeté et oublié dans un autre monde qui n'existe plus, sauf par ces artefacts délaissés. Un monde où l'émotionnel est sommaire – pleurs sur le gain, pleurs sur la perte.

     

     

     

    Les box sont remplis d'objets formant une palette de possessions domestiques individuelles. Le monde des box est sans mémoire. Ce qui est arrivé à ces objets ne compte pas, n'a quasiment pas existé. Ni les lieux où ils ont servis. Storage wars pourrait se dérouler sur n'importe quel territoire.

     

     

     

    Il n'y a plus rien à attendre pour ces objets que d'être achetés sur un malentendu, et rejetés rapidement dans un nouveau box que des charognards plus avides, plus rapaces et encore moins regardants acquéront. Quelque chose a disparu là, dans ce marché de nulle part, qui a vocation à ravauder la pauvreté. Ces objets n'ont plus aucun contenu émotionnel ou d'usage.

     

    Par contre, si on fait abstraction de cela et qu'on pense à tous ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter du neuf ou du personnalisé, le profit se déploie. A la condition d'évoluer dans un monde en quelque sorte dévitalisé. Il s'agit d'évacuer, pour chaque chose balancée dans un box, un parcours, une mémoire, l'humanité enclose dans les objets qui nous tiennent à cœur. Une fois cela retiré, on peut amasser tout et n'importe quoi dans les boxs, et vendre, racheter, revendre, à l'infini.

     


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