• De vous à moi

     

    La formule de Novalis sème le doute. Y a-t-il un "moi", réel, singulier, unique ?...Deuxième ébauche de réponse.

     

     

     

    tre soi-même, c'est quoi ?

    Est-ce que ça existe vraiment un être ? Les sciences humaines nous parlent de l'Homme, l'homme générique. L'Homme rit, l'Homme prend de la distance, l'Homme cogito, l'Homme...
    Être soi, ca peut exister ? Quel espace extérieur requis et quelles troupes intérieures mobilisées ?
    Même le miroir me regarde en étranger, d'une heure à l'autre.

     

    En quête de moi.
    A l'heure des comptes mélancoliques, rassembler des fragments éparpillés sur des années, rapprocher ceux qui se ressemblent. Comme s'approchent une femme et un homme qui ne se connaissent pas et pourtant se reconnaissent. Les fragments de vie détachés, ressemblants, forment un collier qui traverse une vie. Il peut y avoir plusieurs colliers. Les hirondelles sur le même fil se ressemblent. Leur multiplicité forme l'Hirondelle. L'homme singulier que je suis entretient le paradoxe de scruter ses diverses versions pour (re)trouver, dans son avatar au fil du temps, un être générique, l'Homme Alain Lasverne. A la pêche aux perles mémorielles, je ramène ce parfum d'une femme que j'ai aimée, ou le rose frémissant de ses lèvres. Un enfant qui pleure de joie et de peur dans les bras haut levés de son père. Un homme à la table d'un café disparu, une tablée braillarde de gens disparus, morts pour certains. Une maison, un chien, un appartement loin de chez moi, des enfants alignés devant moi, un premier jour de classe. Un habit, un rôle, et tournent les heures, les jours et les semaines, le temps est pareil à ma peine. Ma peine d'exister en désordre, à ne rien reconnaître que la violence des sentiments toujours, et la chair qui parle d'éternité et ne tient pas ses promesses. Mais moi, où suis-je dans cette mêlée ?

     

    Comment c'est quoi, être soi ?...

    A dévider le microfilm baroque des souvenirs, être soi c'est être surtout être les autres. Ils sont l'objet, le sujet, la trame et la passion, ou l'horreur de nos souvenirs. Être soi. Au mieux un observateur derrière une serrure. L'essentiel de moi émergeant dans le souvenir c'est le tunnel sensible qui conduit à des scènes occupées par les autres, ou à des sensations qu'on ne peut certifier « à soi ». Elles sont tactiles, aucunement singulières. C'est un corps, blessé ou enchanté, qui s'affirme. Moi ? Je ne vois pas grande singularité dans le registre permanent du sensible reliant les fragments ramenés à travers le temps. La sensibilité est chose commune. Pas de curseur de singularité dans la sensibilité. L'humanité est une infinité d'êtres sensibles confrontés à une distribution hasardeuse d'événements. Ça fait les souvenirs d'un être sensible, moi ou un autre.

     

    Comment ça fait quoi, être « moi » ?

    Incidente. "Moi"  produit de l'écriture. L'écriture, qui serait le résultat de la facilité qu'à l'auteur, moi, pour se mettre à la place des personnages. Facilité résultant de son absence de singularité, de sa sensibilité partagée avec tous. Vous voyez bien...
    Littéralement, être soi, c'est peu. Mais dans l'espace du monde, s'il vous plaît. Théoriquement. On sait bien que nos vies sont minuscules et qu'on se marie, qu'on travaille, qu'on meurt dans un enclos de quelques kilomètres carrés, même si un bout de pâturage est à Lattes et l'autre à Montreuil.
    Les troupes mobilisées pour être soi, je l'ai dit. Les autres, tous les autres. Ceux d'aujourd'hui et ceux qu'on attend, les morts et les vivants, les réels et les fantasmés.
    Tout ça me laisse peu de place, à « moi ».

    J'ai quand même le loisir d'allumer et d'éteindre la lumière quand je veux.

     


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