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CJ27 chronique du 2ème confinement - jour 27
Écrits au jour le jour s'échappant vers la fiction, dans l'espace-temps du reconfinement...
Aujourd'hui, j'hésite à dire. Un conte ou autre chose. En soi, l'hésitation du choix me paraît déjà un privilège à goûter. On a si peu de choix dans la vie, qu'on en soit conscient ou pas. Tant de choses nous ligotent, tant traits de caractère nous inclinent vers tel ou telle, vers telle ou telle situations. Lieux communs, pour dire que la page blanche compte énormément pour moi. C'est la vie avant la trace, le temps, la blessure et la fin.
J'ai en tête une sorte de répétition, puisque nous approchons de l'ouverture programmée des portes. Un espèce de flon-flon, de big-up à toutes les fêtes qui devraient être fêtes et non pas bal de baudruches dans la Cour des Laids Lissés.
Un conte, aussi. J'aimais pas les contes. Pour les enfants, les contes. Quand on est enfant, on cherche à tout prix à quitter cette condition pataude, dépendante et pleurnichante. On ne veut plus être enfant, quand on est enfant. Comme on voudrait redevenir enfant, quand on est homme.
Il fait gris, c'est un jour à porter du gris. A défaut, du blanc et errer une heure dans les rues sans souffle avec leurs présences qui savent, qui se croisent et se penchent en se croisant, comme s'il fallait indéfiniment saluer.
C'est l'histoire du Grand Bavoir. Le Grand Bavoir, il a tout, mais il avait presque tout, avant même sa programmée naissance. Et puis je me suis dit, que je ne ferais que remettre une pièce dans le machin à cacahuètes. Raconter ce que tout le monde sait déjà, ça suppose un talent capable de faire des mots tout neufs, pas usés par l'Histoire, encore moins au service de la Littérature ou de l’Écriture. Ce matin, je le sens pas. J'ai un empêchement ontologique. Mes catégories se brouillent. Je discrimine plus, je vois tout blanc ou des ornières. Quand j'écris, je change mon monde, ou du moins j'ai la volonté de. On m'a collé contre le monde au-dehors, au point que je le confonds avec le mien. Et ce monde dehors, il bouge plus d'un cil sauf si Grand Bavoir lève le doigt. Ma volonté se fissure.
A part le Grand Bavoir dans le temps figé, j'ai aussi pensé à dire quelques mots sur le dernier bouquin que je viens de lire. Mais, bon. Je me suis fait une règle. Dans ce blog, pas de critiques pour descendre ce qu'on aime pas, mais plutôt élever dans la lumière ce qu'on aime. Donc, je ne parlerai pas de ce bouquin qui me reste sur l'estomac, de la même façon que je ne conterai pas le conte.
Un bouquin réchauffé, il a beau être de belle écriture, bien charpenté, avec des formes, du grain et des suspenses, et des changements de vitesse, des paysages exotiques, ou coloriés exotique, une documentation sans doute balèze, et un auteur pas vraiment débutant...C'est du réchauffé. Y a que la daube qui est re-bonne réchauffée. Pour être juste, et dans le ton du livre, c'est du commémoré. Ca commémore les auteurs, tous ces gens passés qui ont trouvé les mots pour retenir l'attention et éveiller les sentiments de leurs lecteurs. On y salue aussi des courants de la littérature, maintenant bras morts, ou plutôt dormants. On y traverse à plein un des courants dominants de la littérature dominante, l'historique, une sorte de littérature qui se glisse dans l'Histoire pour se faire, peut-être pour se trouver.
C'est un grand exercice, un beau bâtiment où on entre dans un siècle, pour passer dans un autre. Dépaysage garantie, délectage assuré, mais manquage au final. Résumé, la différence entre ce livre et la réalité littéraire qui devrait sortir de ce livre et me plaquer au plafond, c'est celle qu'il y a entre le monde et l'Exposition Universelle.
Eh non, je ne vous dirai pas de quel bouquin, ni de qui. Vous avez, de toute façon, peu de chances de le rater sur les rayons des libraires qui vont pouvoir enfin revenir dans le divin Marché.
Pour le Grand Bavoir, je ne vais pas vous faire un dessin. Mais je peux mettre la postface qui m'avait traversé, après le conte. Pas sûr qu'elle réveille votre âme d'enfant. La voilà.
On a peu la banane. On a juste envie de poser le stylo, éteindre l'ordinateur et la lumière.
On dirait que l'air lui-même est lourd d'une corruption profonde, intime. La perception et la raison sont altérées, déboussolées. Et la dénonciation même de cet état de fait, on sait qu'elle ne peut que renforcer la dérive, l'altération du monde et de soi-même, de soi dans le monde.
Elle a déjà été dite, et sera dite de nouveau demain pour qu'aujourd'hui, comme hier, rappelle à l'avenir de rester bien présent.
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