• Ça porte un nom, mais lequel ? V

     

    Mettons que je marche à travers les ruines, et que je parle en même temps...

     

    Ca porte un nom, mais lequel ? Vn croise de plus en plus des personnes tatouées. Hommes et femmes adoptent le corps qui parle. La chair ne s'exprime sans doute pas assez fort, ou le monde devient aveugle. Citations, dessins, signes privés affleurent. La capacité du langage s'y caricature, la puissance mystérieuse du corps s'y dilue. Juste un espèce de carnaval collant, décollant les signes dans le jeu de l'identité personnelle et collective en croissance, disent les analystes de faits sociaux. Qu'est-ce qui me gêne, alors ? Peut-être que mes éventuels tatouages n'auraient pas le temps de s'effacer, ou d'être remplacés par d'autres. Ou la conviction, aujourd'hui ancienne, que le corps et l'écrit parlent de la même espérance, mais pas dans la même langue.

     

     

     

     

    Au bord de Sète, là où la départementale file vers Frontignan, plus loin Montpellier, le long du canal, un immense terrain vague, cerné de clôtures publicitaires. On signale le nouveau quartier promis en grosses lettres, et surtout on y figure la vie après les trous, le bruit et le béton pré-contraint.

     

    La ville entière s'est couverte de chantiers similaires, celui-là est le plus grand. Énième tentative, donc. Mais de quoi ? Les clôtures peintes promotionnent un espèce d'avenir en couleurs flashy, traits au cordeau, et silhouettes plus hautes que nature d'une population uniformément jeune, saine et souriante. Couples blancs et noirs, blancs ou noirs marchand d'un pas léger dans les allées encore indemnes des temps à venir.

     

    Les couleurs blessent la réalité, le plastique tend un voile extra-terrestre sur les scènes figées. Le long de l'extase futur, la départementale est crevassée. Les terrains de l'expérience en cours déjà sont creusés, labourés par les tractopelles. Le futur qui s'implante là ne parle pas de la ville, ni de quoi que ce soit d'autre qu'une d'une expansion frelatée, caduque avant résiliation probable par les humeurs de la planète, qui s'annoncent massacrantes.

     

    Beaucoup, sans même oser le penser, pressentent la cité morte-future, l'effondrement des rêves promoteurs, l'oubli programmé des célébrations du déni. Les habitants de l'ancienne bourgade de pécheurs s'extirpent de plus en plus nombreux, de plus en plus vite de la cité menacée par les sables et par les eaux. Ils s'aventurent, inquiets, dans le monde alentour, à leur tour daurades tentant la sortie de l'étang de Thau à l'insu des pêcheurs.

     

     

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :