• C2J7

     

    Chronique réelle ou imaginaire, dans l'espace-temps du reconfinement...

     

     

    C2J7

     

    Il fait doux comme un vendredi climatiquement modifié, fin octobre, XXIème siècle, Sète.

     

     

     

    Jour d'Halloween, whaoouuu !!!! Gamins en loups-garous, super-héros et autres Simpson. Avec un poil supplémentaire d'énergie ils vont écraser les voitures. On se marre en les matant, avec une rencontre de hasard. Expatriée de la capitale tentant de survivre au micro-climat sétois, non pas désagréable, mais à quelques encablures quand même du fatum parisien.

     

    On est à côté de la murette qui ceinture la place Aristide Briand, connue comme place du Kiosque, parce qu'il y a, presque au centre, devinez quoi.

     

     

     

    On suivait, tranquille, l'attroupement qui se formait, la vague des poussettes et les zing et boum d'instruments sortis des sacs. Elle passait, j'étais descendu de chez moi suite à une affiche sauvage collée dans ma rue. On papote vite, à Sète. L'air marin, sans doute, ou l'absence de métro. Sans doute pour ça que les citadins nordistes débarquent de plus en plus. Au final, ça fait pas mal de bon sétois, malgré les vieux fourneaux qui énumèrent leur arbre généalogiquement pur, foi de daurade, et les élus qui sortent leur costume de marin-pêcheur à chaque scrutin.

     

     

     

    On piste du regard les gosses-zombis, les mamies mascaradées, les mamans avec des yeux partout, qui partagent des ricanements. Les gamins tirent dans tous les sens, d'un coup. Ils foncent, maman hurle et hop, retour aussi sec à la case départ.

     

    Voilà. Et maintenant, ça chante, ça danse, ça braille tout ce que sait le répertoire. Les instrus font des impros, et ça gratte dans le marin qui souffle pour faire décor. Pas grand monde, finalement, une trentaine, quarante personnes à tout casser. Mais l'affaire tourne bien. Aaaaahhhhhh DZING, aaaaahhhh DZING !!!!!!

     

     

     

    La nuit ne fait pas plus de bruit que les chats. Elle pose des ombres, cerne les lumières. Affine l’ouïe, aussi.

     

    Mon interlocutrice a rajusté son masque et a dit « Aie ». Pas mal cataphorique (ou ana?), en tous cas c'est un « Aïe » qui promet. Je suis son regard. Vers le côté parking de la place, deux silhouettes. Elles s'avancent vers l'épicentre de la teuf. Même si elles n'étaient pas en uniformes, et même si ces mêmes uniformes n'étaient pas du même bleu, on aurait compris. Inimitable, l'air d'un flic qui avance. Attention, fais attention à toi, je vais te protéger. On a bien senti chez ces deux membres des forces de l'Ordre, une grosse envie de protéger.

     

     

     

    Ils s'approchent dans l'odeur des cymbales, le bruit des gaufres que les gosses engloutissent sans oublier de servir leur t-shirt, leur combi Halloween quand il faut foncer après un petit monstre frère, faire le tour du kiosque qui en a vu d'autres, et des plus allumés. Quelques mamans regroupées dans leur Ok corral-poussettes, ont bien vu, ont bien compris. Les conversations appellent quelques pointillés. Aaaahhhh dzing, aaahhhhh dzing !!

     

     

     

    Le premier bleu passe devant les manifestants et continue, le deuxième suit en sortant la prothèzetalkie. Le temps passe plus lentement, les minutes nous font signe. On se regarde avec ma voisine de murette, ce qui fait une conversation officielle et autre chose en-dessous que les mots ignorent, mais qui fait son chemin.

     

    Dix minutes plus tard, la fête toujours incendiées par les petits, bordurée par les mamans. Des autonomes déguisés en ados, voire jeunes adultes, dansent devant quelques armes à musicalité massive. « Liberté », c'est un cri isolé, c'est un mot-totem qui fait bouger à l'intérieur des têtes. Le vol de bleu, stationné depuis un moment à une vingtaine de mètres des insurgés, se met en branle, s'approche en un déploiement, comment dire, un peu faux-cul. On va parler. Et tu vas écouter tes pieds, qui vont te dire. Tu t'en vas, gentiment, ok. Alors ça discutaille, près de la brigade musicale, et ça repousse. Oh là ! Mais on recule, même les poussettes. Quelques pleurs coulent des gaufres. Aaaahhhh dzing !

     

     

     

    Vers où, on se demande. Vers où, ils vont les repousser, la mer est à plus d'un kilomètre. Dans le trafic du vendredi soir y aura de la déperdition. Non, ils vont rester, Jacqueline – moi, c'est Alain – ils vont continuer la zik, mais en silence. Jacqueline rigole, du bout des lèvres. La place est belle, la nuit pose toute sa palette d'ombre et le kiosque ramène ses souvenirs. Le groupe fiesta semble fondre, comme si la nuit voulait bien lui faire une place. La fraîcheur s'insinue, pique les yeux.

     

     

     

    Silence vainqueur. Quelques enfants accrochés aux poussettes ou à Maman, quelques Mamans marmonnant traversent la place, lentement. Dispersés, quelques notes tentent de se rassembler. Mais même les bleus partent à la file. Mission accomplie. Halloween neutralisée.

     

     

     


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