• C2J23- chronique du 2ème confinement - jour 23

     

    Écrits au jour le jour s'échappant vers la fiction, dans l'espace-temps du reconfinement...

     

     

     

     C2J23- chronique du 2ème confinement - jour 23

    Un petit colibri, une fusée bleue qui brûle le ciel quand ça la pulse, quand ça la traverse. Wanda, juste un prénom banal. Il ne dit rien de ce qu'elle est au fond.

    Bien au fond elle est colibri, comme d'autres sont serpents, ou soldats de Napoléon, comme précédente incarnation. Colibri aux ailes vives  elle fut dans sa vie antérieure, colibri elle demeure tout au fond de sa tête. Oiseau, mon petit oiseau bleu. Il savait, comme elle sait. Il savait le lui glisser du bout de ses lèvres épaisses, comme un baiser d'amour, d'amour parti comme un voleur.

     

     

    Et dansaient pour lui les ailes du colibri, pour son double adoré, son ultime jumeau de flammes et de chair. Avant qu'il ne la fige sur les murs, n'en rajoute à la prison. Infini encerclement, commencé avec les derniers mots, les derniers regards marbrés de fer.

    Colibri demeure. Amputé, d'une côte seulement. Colibri encore. Il le sait aussi Oliver, qui bavote tranquillement sur sa tétine, dans son berceau bleu. Papa parti pour faire pleurer Maman, Papa parti, amour pas assez, trio déchiré. Papa préfère Wanda sans fil de chair à sa patte. Oliver pleure trop, Oliver mange Maman. Papa affamé. Papa s'est évadé. Parti confiner ailleurs. En liberté.

     

     

    Aujourd'hui, ça traverse pas, mais pas du tout. Cachets. Ca pile comme les mortes. Zéro ampère, zéro pulsion. Vidées, les énergies. A pleurer. Une putain de pluie d'automne qui ruisselle dans les veines. Une pluie de pus qui coule dedans, du sang mortel qui navigue dans la paume. Une paume ça tient pas longtemps, même une paume de Colibri ça tient pas longtemps sous un couteau. Elle s'est coupée, l'air de rien, pour essayer voir. Pour disjoncter son vol encagé.

    Pansement, vite fait. Cachets. Quelle heure ?

    L'heure de rien, l'heure de compter les pointillés de sang sur lino usé du salon. Bruit. Cogne en réflexe sur le mur. Supporte plus le bruit. Oliver. Chhhuuuuutttt. Cachets. Le bruit, comme du sang étranger qui s'invite, s'impose. Oliver, là mon fils, là, oh la tétine, oh la tétine à Oliver. Papa ? Papa va revenir. Dors, mon fils, dors mon amour de vrai.

     

     

    Assoupie sur le canapé. S'éveille un peu. Sombre autour. Volets clos. Sans doute, elle les a fermés. Aucun souvenir. La main bute sur la boite à côté d'elle. Cachets. Tends les bras. Le droit s’étend vers l'horizon stoppé par la grande barrière. Le gauche s'étire vers la paroi du monde fini. Salon, toujours ce putain de salon. Ses mains reviennent à elle, pas encore mutées. Le gros thermomètre collé dans le coin dit chaud, mais froid autour d'elle. Colibri F seule. Cachets.

    On aurait été deux colibris, tout bleus, pile au milieu du bonheur. Et moi, et toi, moi veux toi, toi veut quoi, toi parti, fini, détruit. Colibri Femelle écrase ta face de colibri M !...Combien de temps Colibri F avant que les minutes saignent ? combien de temps toi tu restes Colibri H ? Avant que tu reviennes plus du tout ?...

     

     

    Maman. Elle appelle maman dans la grande nuit du jour qui vient plaquer dans sa tête vingt-quatre heures de plus à rester enfermée. Elle sait sa bouche, elle sait ses mains, elle sait toujours et encore son nom et son absence. Supporter. D'être un corps enfermé dans une tête en boucle. Impossible. Cachets.

    Une figure tremblante sur l'écran, toujours à dévider des kilomètres de vide. Rien à voir avec la brume légère au-dessus de l'étang de Thau. Brume qui s'anéantit peu à peu dans les bras du soleil. Soleil à plein. Elle est sur le balcon, maintenant. Soleil à donf sur balcon quatrième sans ascenseur. Suspendue, sus-pendue. Plein milieu d'une liberté qui s'offre, s'écartèle. Une jambe a passé la barre de l'ailleurs. Barrer à gauche. Chance au marin, doublera ses gains. Elle s'appelle comment déjà, Wanda ? Je m'appelle. Jambe gauche réussie. Passée la jambe droite. Rien à foutre des jambes. Oubliées les jambes, enterrées avec la tête et le reste. Dans la terre des cris, des coups, des déchets, des simulacres et des vanités d'amour contrefaites.

    A peine posée sur la rambarde. Les plumes excitées par le vent. Elle est droite, tendue comme un cri à travers le temps. Dernière prière aux oiseaux qui caressent le ciel. Colibri s'élance.

     

     


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