• C2J20- chronique du 2ème confinement - jour 20

     

     

    Écrits au jour le jour s'échappant vers la fiction, dans l'espace-temps du reconfinement...

     

     

     

    C2J20- chronique du 2ème confinement - jour 20

    Dans cette pesante réclusion, je me retourne vers la maison de papier que j'ai construite, ma bibliothèque. Extrait d'un des romans qui s'y trouvent. Vous pouvez faire part ici de vos spéculations sur l'ouvrage et/ou l'auteur(e). Réponse demain.

     

     

     

    ...Je n'avais rien contre tout ça, le mascara et le rouge à lèvres, je prenais même plaisir à regarder ma bouche en plastique rouge, dans le reflet de la vitre du bus, je la trouvais belle comme un animal mort. Et certains matins, je m'arrêtais au milieu de mon maquillage, dans le miroir je me comparais à moi-même, une Bambi borgne aux cils absurdes. Mais maquillée, je me sentais en option achat-vente, enfermée à l'intérieur de ma propre vitrine.

     

    Les vraies chaussures de femme non plus, je n'en mettais jamais ; les talons me faisaient une laisse que j'aurais tenue moi-même, on en attrapait de tout-petits pas, de ces chaussures. Et les femmes qui n'avaient pas le son, comme si elles s'obligeaient elles-mêmes à n'utiliser que très peu de décibels en parlant, celles aussi qui modifiaient leur peau jusqu'à la transparence. Gommaient, exfoliaient. Est-ce que leurs peines resteraient élégamment translucides, ou est-ce que, chargées de mots empêchés, les larmes des femmes poudrées et gommées contiendraient en sourdine le gémissement d'une bête qui s'étiolerait à mourir doucement.

     

    Il me semblait que les femmes se faisaient souvent un devoir quotidien d'oublier. Elles étaient d'un courage effrayant. Elles étaient ouvertes, parfois je ne voyais que ça d'elles. Cette capacité qu'elles avaient de tout comprendre, cette tolérance, cette façon d'anticiper, de participer à la haine sauvage qu'elles inspiraient, dans la rue ou dans un lit, à rire avec ceux qui crachaient qu'ils les voulaient encore plus ouvertes, béantes même. La capacité des femmes à faire le silence. Toi, tu tenais beaucoup à ce qu'on sache donner des coups, « cet l'éducation, la peur, tu compris, qui empêche les filles de donner des coups dans la bête ». Je ne te corrigeais pas...

     

     

     


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